Mais je sens que mon cœur murmure et retient ma plume.
Jean-Jacques Rousseau.

jeudi 25 novembre 2010

L'air du temps





J'ai moins peur des gens que du téléphone. Cette atroce présence vocale doublée d'une absence physique, la confrontation au vivant à partir d'un objet inerte et froid... quel supplice !

Jusqu'à l'invention du mobile, en fin de compte, les téléphones restaient associés à un lieu bien défini, ils étaient un peu comme des "boîtes à personnes", centralisant des milliers de gens possibles, mais quelques dizaines en pratique, en tout cas pour la majorité des gens qui ont un réseau social actif bien délimité.

Mais le téléphone est devenu mobile, et son utilisation s'est accrue en conséquence, devenant plus pratique et décuplant les usages possibles (et nous savons tous que la valeur d'un réseau croit exponentiellement en fonction du nombre de ses utilisateurs), n'étant plus à l'origine de déplacements mais devenant un véritable compagnon de voyage, participant de cette vaste mise en réseau qui s'opère avec la globalisation par le canal technologique. C'est pourquoi il est en train de fusionner avec le web, puisqu'ils participent bien tous deux d'un même mouvement.

Les conséquences commencent à apparaître, la réalité se déforme, l'ancrage physique des personnes se détache peu à peu de la production et de la transmission d'informations. La nature humaine tend ainsi à se fragmenter, et nous courons le risque d'être écartelés entre d'un côté une humanité "augmentée" par les flux d'informations dématérialisés, se décuplant et s'enchaînant à l'infini, et d'un autre côté notre petit corps fragile limité par ses besoins et capacités physiologiques. Une masse d'informations intraitable par un seul être humain, et qui n'est donc appropriable qu'au niveau macro-social, tout en créant pourtant dans chaque individu le désir de connaître et de tout embrasser, de balayer l'ensemble du savoir à une vitesse incroyable, à une heure où l'atomisation de la société n'a jamais été aussi forte.

Paradoxe de notre époque, non ?

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