Mais je sens que mon cœur murmure et retient ma plume.
Jean-Jacques Rousseau.

vendredi 24 mai 2013

Au travail


Mon chef est capable d'envoyer des mails à une heure du matin, ayant pour objet : TRES TRES URGENT. En arrivant vers neuf heures, je l'avais trouvé dans mon propre bureau pour me dire : Salut, j'ai du travail pour toi... avec son sourire de reptile.

Dire oui. Comprendre l'importance et la gravité de la situation. Refaire toujours la même chose. Ne pas dire bonjour. Regarder des tableaux Excel. Soigner la présentation d'un document. Rester dans son bureau l'air concentré. Perdre le sens que le mot stress avait pour moi à une certaine époque.

Des discussions passionnées : Salut ça va ? Ouais ça va et toi ? Très bien, merci. Café ? Volontiers. On se croirait au mois de mars. Oui. Ils ont remis le chauffage. Ah bon ? J'ai lu un article excellent ce matin. Ah. Au fait... il faut que je vois un truc avec toi. Ok, ça marche.


lundi 20 mai 2013


Cela faisait des mois que je n'étais pas retourné sur le campus de Nanterre. Lieu désolé, qui n'inspire que la solitude. Au printemps, cependant, il y a comme quelque chose dans l'air qui pourrait donner envie de s'allonger sur la pelouse, de prendre un livre, ou bien de regarder les filles qui passent.

Le prof nous donna un sujet de dissertation pour nous exercer : « Peut-on douter de tout ? »

Personnellement, je doutais surtout du sens de mon existence. Mais le corrigé nous appris que, pour un professeur de philosophie, le doute s'appliquait d'abord à la connaissance, et qu'il s'agissait de savoir quel était le bon usage du doute permettant de fonder des connaissances certaines. 

J'avais envie de lui dire : « Monsieur, vous négligez les enjeux existentiels. Si la certitude est l'antonyme du doute, elle ne se réduit pas à la certitude de la connaissance ; la première des certitudes est la certitude de soi, d'être au monde, etc. »

Mais j'avais potentiellement tort. Et j'étais, plus que potentiellement, de mauvaise foi. Je ne dis pas un mot, le regardai de mes yeux vitreux et absents. Il évita mon regard et me prit certainement pour... un légume.




mardi 14 mai 2013

Faire les courses


Raconter des choses, aussi banales soient-elles, donne le sentiment d'exister.

***

Au Monoprix, rue Lecourbe. Après le rayon des produits de toilette, où je me suis acheté du déodorant, nous arrivons dans le petit coin livres. J'en ouvre un et tombe sur la première phrase : Arthur Dreyfuss aimait les gros seins

Marcher entre les rayons, choisir de la bière, se perdre de vue, tourner en rond, tomber sur des gens en costume cravate qui téléphonent. Au final se demander pourquoi ça nous a coûté si cher.


mardi 7 mai 2013

Mort à Venise


Le téléphone sonna, et je vis un poids immense s'abattre sur elle. Ses yeux bleus semblaient avoir perdu la possibilité même du regard, et le silence se déploya comme un voile nous enserrant tous deux. 

Mais paradoxalement mon coeur battait trop vite, des images confuses me revenaient : le souvenir du cimetière de Venise, et une odeur âcre et forte au coin d'un mur. Je m'étais demandé : pourquoi suis-je si sûr qu'il s'agit de l'odeur d'un cadavre ? Cela m'apparaissait comme une évidence - et la mort ne fût plus une idée, mais devint une image : celle d'une algue épaisse et puante, gisant au fond de la lagune.





jeudi 2 mai 2013