Mais je sens que mon cœur murmure et retient ma plume.
Jean-Jacques Rousseau.

lundi 24 juin 2013

Sur la route, de Jack Kérouac


Déçu par ma lecture de Sur la route, de Jack Kérouac.

1) Moi qui espérais y trouver une invitation au voyage, je suis tombé sur une histoire vaine et déprimante, dans laquelle la volonté de vivre pleinement, c'est-à-dire le goût ou la frénésie de l'expérience nouvelle, conduit en pratique à ce qu'on pourrait appeler : une vie de clochard.

2) Dean Moriarty. Comment peut-on être fasciné par un tel homme ? Est-ce par amour de son agitation perpétuelle, ou même de sa transpiration ? Est-ce parce qu'il peut conduire une voiture, durant des milliers de kilomètres, torse nu et sans s'arrêter ? Ou parce qu'il a besoin, comme beaucoup d'autres, d'avoir plusieurs femmes dans sa vie ? Ou parce qu'il a fait de la prison, ou bien parce que son père est un clochard et qu'il a grandi dans la rue ? Ou tout simplement pour sa folie ?

3) L'excitation retombe avec l'âge, pour ne laisser qu'une masse de souvenirs et la frustration de ne pas en avoir fait plus.




dimanche 16 juin 2013

Souvenir d'un été perdu


C'était cet été où tu étais partie en Belgique. Il faisait beau et chaud à Nantes, des semaines et des semaines s'ouvraient devant moi, traçant la forme de ton absence. Je me souviens de journées passées dans ce grand lit à ne rien faire, tenaillé par une sorte d'angoisse absurde : je venais de réussir mon concours, et je comprenais finalement que le seul but que je m'étais donné jusqu'alors, et qui avait même justifié cinq années d'études ingrates (économie, management, droit public), que ce but venait d'être atteint : réussir un concours, se faire une situation. 

Il y avait eu la joie passagère et un soulagement incroyable. Mais un voile avait fini par recouvrir mes pensées, comme si mon esprit vieillissait, comme s'il commençait à prendre la poussière, et il n'y eut plus que du vide et de l'angoisse absurde : qu'allais-je devenir ? Quel était le but de ma vie ? Questions que tout le monde se pose, à un certain moment de son existence, avant d'adopter une certaine « allure de vie » qui ne tolère plus les questions.

J'essayais péniblement de lire Nana, de Zola. J'écoutais en boucle l'album Kensington Square, de Vincent Delerm. Je faisais de temps en temps de grandes randonnées au bord de l'Erdre.

Dans cette solitude forcée je commençais à délirer : je m'imaginais atteint d'une maladie que les médecins ne pouvaient diagnostiquer, je sentais des champignons pousser à l'intérieur de moi, recouvrir ma peau, mon sexe. Je croyais aussi qu'une tique m'avait transmis une maladie rare. Je mourais d'angoisse, et écrivais des nouvelles qui ne faisaient que la renforcer : par exemple une histoire dans laquelle je comprenais qu'il y avait un monstre à l'intérieur de moi ; ou encore une histoire raciste, dans laquelle un nègre fantasmagorique me mordait à la jambe et me transmettait une maladie mortelle.

Cet été-là, j'ai dû perdre dix kilos, sans que mon entourage ne s'en aperçoive.


mardi 11 juin 2013


Le mois de juin, ou apprendre à se laisser vivre.



samedi 8 juin 2013

Bilan de la semaine


L. ne cessant de parler, boudiné dans ses chemises trop petites. C. revenant après deux mois d'absence. Une discussion dans un restaurant japonais, à propos des modalités de remboursement des ordres de mission (diminution du budget alloué, lourdeur des règles administratives, manque d'ergonomie du logiciel S.). N. que je n'avais pas vu depuis deux semaines, qui parle de sa petite fille ; je l'aime bien, parce que j'aime les gens qui viennent de "milieux populaires", qui ont fait des études mais ont gardé un certain "parler populaire", une certaine économie de mots, un raisonnement efficace, un vocabulaire parfois surprenant ou drôle. N. a dit qu'il n'avait pas dessaoulé pendant deux jours. 

Je lui ai souhaité de bonnes vacances, tandis que j'avais l'impression d'être observé par Anne T., mais c'est une illusion et j'ai toujours vécu dans l'illusion et dans l'octroi d'une valeur démesurée au regard des autres, or mon identité ne se définit-elle que dans le regard des autres ? Alors même que ce ne sont que regards qui s'évitent, peur de l'autre, regards qui se baissent, yeux qui se ferment, dos voûté, je regarde mes pieds et continue à marcher. Penser alors à autre chose.

Se remettre au footing. Ce matin, j'ai tourné en rond dans le square Saint-Lambert.


lundi 3 juin 2013

Folie ordinaire


Ce matin un type bizarre se plante juste à côté de moi alors que je m'apprête à composer mon code de carte bleu. Je me tourne et dis : Qu'est-ce que tu fais ? Il marmonne quelque chose sans me regarder et continue à fixer le clavier numérique. Il a l'air fou. J'appuie sur "annuler", retire ma carte et me dirige vers un guichet. Là le type s'énerve, me provoque, et fait étrange, me demande l'heure. Fait encore plus étrange, mémorable réflexe de soumission, je regarde ma montre et lui donne l'heure : sept heures cinquante. 

Puis il commence à me menacer, lève la main et répète des choses du genre : tu veux que je t'éclate la gueule ? Une femme me regarde l'air inquiet. Puis il s'en va, surveillé par un homme de la Ratp qui me dit ensuite : il n'est qu'au début de sa journée, là il s'engueule avec des voitures

Je repartis les jambes un peu tremblantes, me disant que la journée commençait bien.