C'était cet été où tu étais partie en Belgique. Il faisait beau et chaud à Nantes, des semaines et des semaines s'ouvraient devant moi, traçant la forme de ton absence. Je me souviens de journées passées dans ce grand lit à ne rien faire, tenaillé par une sorte d'angoisse absurde : je venais de réussir mon concours, et je comprenais finalement que le seul but que je m'étais donné jusqu'alors, et qui avait même justifié cinq années d'études ingrates (économie, management, droit public), que ce but venait d'être atteint : réussir un concours, se faire une situation.
Il y avait eu la joie passagère et un soulagement incroyable. Mais un voile avait fini par recouvrir mes pensées, comme si mon esprit vieillissait, comme s'il commençait à prendre la poussière, et il n'y eut plus que du vide et de l'angoisse absurde : qu'allais-je devenir ? Quel était le but de ma vie ? Questions que tout le monde se pose, à un certain moment de son existence, avant d'adopter une certaine « allure de vie » qui ne tolère plus les questions.
J'essayais péniblement de lire Nana, de Zola. J'écoutais en boucle l'album Kensington Square, de Vincent Delerm. Je faisais de temps en temps de grandes randonnées au bord de l'Erdre.
Dans cette solitude forcée je commençais à délirer : je m'imaginais atteint d'une maladie que les médecins ne pouvaient diagnostiquer, je sentais des champignons pousser à l'intérieur de moi, recouvrir ma peau, mon sexe. Je croyais aussi qu'une tique m'avait transmis une maladie rare. Je mourais d'angoisse, et écrivais des nouvelles qui ne faisaient que la renforcer : par exemple une histoire dans laquelle je comprenais qu'il y avait un monstre à l'intérieur de moi ; ou encore une histoire raciste, dans laquelle un nègre fantasmagorique me mordait à la jambe et me transmettait une maladie mortelle.
Cet été-là, j'ai dû perdre dix kilos, sans que mon entourage ne s'en aperçoive.
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